Le mildiou de la vigne : Comprendre, identifier et agir

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Le mildiou de la vigne est une maladie fréquente et importante de la vigne. En cas d’attaque sévère, ce pseudo-champignon compromet gravement la récolte de raisins. Comme la majorité des maladies cryptogamiques, ce mildiou se développe en cas d’humidité importante et de températures fraîches. Pour prévenir son apparition, il est utile de comprendre le cycle de ce parasite, ainsi que de savoir où et quand chercher les symptômes. De multiples mesures préventives sont à considérer, et ce dès la plantation de vos pieds de vigne.

Pour l’écriture de cet article, j’ai collaboré avec Laurent et Gabriel, horticulteurs père et fils de l’entreprise Viticabrol, située dans le sud de la France. Ils produisent et commercialisent de nombreux cépages, dont certains sont résistants ou tolérants aux maladies. Nous avons mis en commun nos connaissances pour vous fournir un article le plus exhaustif et pratique possible sur cette maladie.

Description du mildiou de la vigne

Le mildiou de la vigne est dû à Plasmopara viticola, un pseudo-champignon introduit en France en 1878, en provenance d’Amérique du Nord. C’est un organisme de la classe des Oomycètes, plus proche des algues brunes que des champignons. P. viticola est un parasite obligatoire, son mycélium a nécessairement besoin de la vigne pour se développer. Il survit et se propage sous deux formes de spores, les oospores et les zoospores, les premières sont résistantes au froid, les secondes sont mobiles dans l’eau. Elles jouent un rôle capital dans la contamination de la vigne qui se fait en deux temps.

Une première infection

Les oospores sont des spores qui se forment dans les tissus des feuilles de la vigne à l’automne. Elles permettent au mildiou de survivre pendant l’hiver dans les feuilles en décomposition. Au printemps, lorsque les conditions sont favorables, c’est-à-dire dès que la température dépasse 12°C, les oospores germent et libèrent des zoospores. Lors d’épisodes pluvieux les zoopores sont projetées du sol vers les tissus végétaux les plus bas. Ces zoospores, tout à fait étonnantes, sont munies de deux flagelles qui leur permettent de se mouvoir dans l’eau présente à la surface des feuilles. Lorsqu’elles atteignent leur cible, c’est-à-dire les stomates des feuilles, elles germent et le mycélium commence à parasiter l’intérieur des feuilles, c’est la contamination ou infection primaire.

La seconde infection

Suite à l’infection primaire, le mycélium parasite la feuille, se développe et produit des organes spécifiques qui libèrent de nouvelles zoopores. Celles-ci avec le vent et l’humidité se dispersent vers les autres organes de la vigne, inflorescences ou raisins, ainsi que d’autres feuilles et tiges. C’est l’infection secondaire.

Les facteurs favorisant le mildiou sont des températures fraîches, comprises entre 15 et 20°C, l’humidité et les précipitations, ainsi que la sensibilité de certains cépages à cette maladie.

Dégâts et symptômes du mildiou de la vigne

Le mildiou touche les feuilles et les raisins, il peut compromettre en grande partie les récoltes. Il se diagnostique dès le mois de mai, on observe sur la face supérieure des feuilles des taches jaunâtres arrondies, d’aspect transparent, dites en « taches d’huile ». Un duvet blanc à gris apparait ensuite au revers des feuilles, zone de libération des zoospores de la contamination secondaire. Ces parties atteintes évoluent rapidement en nécrose et meurent. Une autre forme sur les feuilles a un aspect de taches brunes et anguleuses, limitées par les nervures du limbe. Des lésions brunes peuvent s’observer sur les rameaux, pouvant provoquer leur déformation.

Symptômes du mildiou sur feuille

Symptômes du mildiou sur les deux faces d’une feuille

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mildiou et érinose

Sur feuilles, ne pas confondre le mildiou (à gauche) et l’érinose (à droite) qui est due à un acarien

Les symptômes sur les inflorescences se traduisent par des taches brunes. Lesquelles se retrouvent sur les raisins, puis lorsqu’ils murissent forment une poussière grise, le rot gris. Ensuite les grains se ratatinent, certains grains ne parviennent pas à maturité, on parle de rot brun du mildiou.

Mildiou sur grappes

Mildiou sur raisins – Rot brun du mildiou sur la photo de droite

Sensibilité culturale

En fonction du terroir de plantation, mais aussi de certaines conditions météorologiques, la sensibilité des cépages va naturellement différer. Le cas le plus représentatif concernera les jardiniers et vignerons situés dans des régions à forte proximité d’un océan, de la mer ou d’une rivière. En effet, leurs plants de vignes s’exposent à des degrés d’humidité beaucoup plus élevés favorisant le développement d’organismes et maladies de la vigne tels que le mildiou, l’oïdium ou encore le black rot. De même, les vergers ou jardins situés dans des régions pluvieuses (Jura, Haute-Savoie, Pyrénées, Anjou) souffriront davantage de ces problématiques si le pied de vigne mouillé par la pluie ne sèche pas rapidement grâce au soleil.

Sensibilité variétale

Certains cépages sont plus sensibles naturellement au mildiou, c’est le cas des variétés ‘Alphonse Lavallée’, ‘Cardinal’, ‘Chasselas de Fontainebleau’, ‘Chasselas de Tramontaner’, ‘Danslas’, ‘Dattier de Beyrouth’, ‘Perle de Csaba’.

Mesures préventives

De multiples mesures préventives peuvent s’appliquer pour limiter les risques de mildiou. Elles englobent le choix des cultivars, les méthodes culturales et les traitements préventifs autorisés en biocontrôle pour les jardiniers amateurs.

Méthodes culturales

En amont, le premier conseil sera donc de privilégier un lieu de plantation adéquat. Sous-entendu, un lieu correctement exposé au soleil, c’est-à-dire de préférence sud ou sud-ouest. Davantage le plant de vigne et ses feuilles profiteront des effets bénéfiques des rayons de soleil, davantage il sera à l’abri de contaminations du mildiou et des autres maladies citées précédemment. De même, pour éviter la propagation des maladies, la distanciation est elle aussi de rigueur pour la vigne. En évitant que les feuilles de différents pieds se touchent, ou soient suffisamment proches pour que le vent puisse faire passer les maladies de l’une à l’autre, on évite de nombreux problèmes. Il est donc bien important de respecter une distance de plantation entre 2 vignes de 1,20 m minimum. Qui plus est s’il s’agit de plants de vignes traditionnels plantés à côté de plants de vignes résistants.

De même, il convient de limiter les risques de contamination primaire en coupant les jeunes sarments, les gourmands et les feuilles qui se développent à proximité du sol. Comme nous l’avons vu dans la description du pathogène, ce sont ces organes qui seront vecteurs de la contamination secondaire. À l’automne, les feuilles mortes ne doivent pas être laissées en litière mais ramassées puis compostées ou emmenées à la déchetterie si les maladies parasitaires étaient importantes au cours de l’année.

Choix de cultivars résistants

Comme tout végétal ou organisme vivant, la vigne a connu au fil des siècles des évolutions et mutations génétiques, que cela soit naturel ou artificiel avec une intervention humaine (pépiniéristes). C’est d’ailleurs de ce constat que sont nés les cépages piwi résistants. En effet au XIXe siècle les plants de vignes étaient touchés par de nombreuses maladies et insectes dont notamment le Phylloxera. Pour lutter face à ce phénomène, des sélectionneurs français et européens ont eu l’idée de croiser des plants de vignes européens avec des cépages américains qui semblaient davantage résister à ces insectes et maladies. Ce croisement a donc permis l’arrivée de nouvelles variétés recomposant le paysage viticole qui conservent les goûts des cépages européens, tout en profitant de la résistance américaine aux insectes et maladies.

Ces nouveaux cépages sont de plus en plus présents sur le territoire européen. C’est notamment le cas en Europe de l’est qui par contrainte économique et choix sociétal a privilégié des plantations de cépages résistants ne nécessitant pas autant de traitements. Mais c’est aussi le cas dans d’autres pays européens tels que l’Allemagne ou l’Italie, davantage en avance que la France sur ces aspects. Malgré tout, grâce aux évolutions de comportement de consommation et la prise de conscience environnementale, de nouvelles parcelles expérimentales sont plantées par les vignerons français pour produire des vins issus de ces cépages résistants. Dans le même esprit, de nombreux vignerons amateurs n’ont pas hésité depuis des années (même décennies) à planter ces cépages résistants dans leur jardin pour produire de leur excellente productivité et production.

Cépages tolérants au mildiou de la vigne

Ces nouveaux cépages offrent une résistance plus ou moins importante face au mildiou. Leur niveau de résistance varie selon leur génétique, les conditions culturales et la pression du pathogène au cours de l’année.

En raisin noir, de nombreux amateurs sont tombés sous le charme de certaines variétés telles que le ‘Black Hellios’, avec ses grains arrondis sans trop de pépins, mais aussi le ‘Concord’ avec son goût de framboise très souvent planté dans les Cévennes, ou bien le ‘Jacquez’ et sa forte productivité qui ravit de nombreux vignerons surtout dans l’arc méditerranéen.

En raisin blanc, le choix est encore plus grand, avec par exemple le ‘Goldlife Muscat’ très fort en bouche et aromatisé comme les autres muscats, le fameux ‘Noah’ au goût de fraise, le ‘Goldberry’ qui s’impose petit à petit comme l’un des plus résistants, sans oublier ‘Isabelle’ qui fait profiter d’un excellent goût, ceci sans pépins.

De même, les cépages de raisin à la couleur rose existent en résistants, tels que le ‘Zemira’ et ses gros grains qui poussent bien dans le nord de la France, tout comme le ‘Lidi’ venant de Hongrie qui résiste aux grands froids, ou bien le ‘Miss rosé’ offrant une forte productivité.

Retrouvez ces différents cépages résistants au mildiou sur viticabrol.

Traitements préventifs

Laurent et Gabriel : Par la suite, nous préconisons également de réaliser préventivement 2 traitements bio à base de 2 produits. D’une part le sulfate de cuivre en avril puis en mai, afin d’empêcher la contamination primaire. D’autre part, un traitement à base de soufre en poudre fin mai et juin. De cette manière, vous vous couvrirez en cas d’année très pluvieuse au printemps ou au début de l’été. Ce conseil est d’autant plus valable si vos plants de vignes se situent à proximité d’un autre vignoble. La densité de plantation et le nombre de plants vont logiquement multiplier les possibilités de contaminations. Les spores du mildiou se véhiculent ensuite par le vent sur vos pieds de vigne. Dans les autres cas où vous n’êtes pas en contact direct avec des plants malades ou un vignoble, cette étape demeure facultative.

Autres traitements préventifs

Aurélien : L’emploi de la bouillie bordelaise est un sujet controversée en jardinage biologique. Employée avec raison, comme le recommandent Laurent et Gabriel, les risques sur l’environnement restent circonscrits et faibles. C’est son emploi régulier et excessif qui va impliquer des problèmes sur la vie du sol. D’autres méthodes complémentaires et de biocontrôle peuvent être employées :

  • Le talc a de multiples effets à l’encontre du mildiou mais aussi de l’oïdium. Il est asséchant et créé ainsi un milieu défavorable au développement de ces maladies. Il a un effet stérique, il complique le cheminement des zoospores vers leur lieu d’infection, les stomates. Enfin il est rémanent, ses particules se lient avec les lipides du feuillage, rendant son lessivage difficile lors d’épisodes pluvieux. Il est préférable de l’utiliser tôt dans la saison, dès avril et mai.
  • Le bicarbonate de sodium, également utilisé contre le mildiou de la tomate, un pathogène du même ordre que le mildiou de la vigne (Oomycètes), fait preuve d’une bonne efficacité préventive. Il fonctionne en neutralisant le pH des feuilles, le rendant défavorable au développement du mildiou.
  • L’huile essentielle d’orange douce est utilisée en tant que substance active dans des produits de biocontrôle réservés aux professionnels. Son efficacité est prouvée contre le mildiou.

En biodynamie

En agriculture biodynamique, l’emploi de la silice de corne (501) renforce la santé globale de la vigne et la protège en partie de l’apparition des maladies cryptogamiques comme le mildiou de la vigne. Elle s’applique au printemps, en jours fruits.

Que faire en cas de mildiou

Nous avons vu jusqu’à présent un ensemble de mesures préventives à privilégier pour prévenir l’apparition du mildiou. Le proverbe populaire « Mieux vaut prévenir que guérir » s’applique totalement au mildiou de la vigne. Toutefois, quand on débute au jardin, il est courant de découvrir les maladies seulement quand elles surviennent. Alors, que faire si le mildiou vient à se déclarer sur vos vignes ?

Tout d’abord, il faut vérifier régulièrement l’état des vignes pour que votre action de lutte soit la plus efficiente possible, et ce dès le mois de mai.

Le nombre de pieds de vigne dans un jardin familial étant bien plus modeste que dans un vignoble, il est possible de commencer par supprimer les feuilles, les sarments et les grappes atteints. Ramassez les coupes et emmenez-les à la déchetterie ou compostez-les en tas (si vous maîtrisez la montée en température). Le compostage en tas est la seule méthode capable de générer des températures élevées et ainsi de tuer le mildiou, sous ses différentes formes.

Nettoyez les outils de coupe avec de l’alcool à 70° ou du vinaigre blanc après avoir coupé les parties malades. Évitez de toucher les parties saines de la vigne si vous avez touché au mildiou.

Il n’existe pas de traitements curatifs en jardinage biologique contre le mildiou de la vigne. Toutefois nous avons évoqué ci-dessus divers traitements préventifs. Il conviendra, suite à la suppression des parties atteintes de la vigne, de procéder à l’un traitements susdit. Une surveillance accrue est à privilégier les jours suivants pour s’assurer que le mildiou ne redémarre pas.

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